mardi 29 mars 2011

Bavarder sur Dieu ?

"Qu'avons-nous dit, [...], ou que dit-on, quand on dit de toi ? Et malheur à ceux qui se taisent sur toi, puisque, bavards, ils sont muets (quid diximus, [...], aut quid dicit aliquis, cum de te dicit ? et uae tacentibus de te, quoniam loquaces muti sunt)" (Augustin, Confessions, I, iv, 4).
Cette phrase m'a surpris hier. Augustin développe un long paragraphe sur les aspects "contradictoires" chez Dieu : il est à la fois miséricordieux et juste, complètement caché et très présent, jamais neuf et jamais vieux, toujours en action et toujours en repos, etc. Tout concourt pour que nous reconnaissions que notre langage est si faible et inapproprié pour décrire Dieu que nous n'avons pas d'autre choix que de nous taire sur Dieu. En pensant parler de Dieu, nous parlons sans doute de tout autre chose que de Dieu.

La conclusion aurait dû être plutôt : malheur à ceux qui parlent de toi. Par ailleurs, à côté de la tradition théologique "parlante", était et est toujours présente une autre tradition qui privilégie le silence concernant Dieu.

Mais ce Dieu, aussi contradictoire et insaisissable qu'inexprimable dans notre faible langage humain, manifeste sa contradiction au plus haut point dans le fait qu'il se donne à notre pensée et à notre langage. Il n'a pas besoin de nous qui parlons de lui, mais il veut que nous parlions de lui ; il n'a pas besoin de notre amour, mais il veut que nous l'aimions. Il est un Dieu qui a "décidé" de ne pas être seul, de ne pas être sans l'être humain.

Ainsi, Augustin peut dire que ceux qui se taisent sur Dieu sont bavards sur tout sauf Dieu et qu'ils oublient le caractère de don, de pure grâce de notre existence dans nos paroles. Si imparfait que ce soit, notre langage est un don gratuit. Avec notre langage, nous serons toujours bavards. La question est : de quoi et comment bavarderons-nous ?

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