samedi 16 novembre 2013

Busan, c'est fini, mais le pèlerinage commence

(Voici un message que la 10e assemblée du COE adresse aux Eglises. Cette traduction française est la version non-officielle faite par Julie, revenue de Busan, pleine de souvenirs - spirituels et matériels -, d'enthousiasmes et de perspectives. Vous pouvez télécharger le document original en anglais en format pdf en cliquant ICI.)




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Message de la 10ème Assemblée du Conseil Œcuménique des Eglises
Entrez dans le pèlerinage de justice et de paix

C’est l’effet de la bonté profonde de notre Dieu :
grâce à elle nous a visités l’astre levant venu d’en haut.
Il est apparu à ceux qui se trouvent dans les ténèbres et l’ombre de la mort,
afin de guider nos pas sur la route de la paix.
(Lc 1,78-79)

Chères Sœurs, chers Frères, nous vous saluons au nom du Christ.
1. Nous nous sommes rassemblés en République de Corée pour la 10ème Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises (du 30 octobre au 8 novembre 2013). Venus des 345 Eglises-membres de la communauté et d’organisations partenaires du mouvement œcuménique, nous nous sommes unis dans la prière, nous avons partagé des nouvelles des communautés locales, et nous nous sommes laissés profondément toucher par des messages forts de souffrance et d’espérance. Nous sommes reconnaissants d’avoir pu rendre publiques un grand nombre de déclarations qui nous engagent. Notre pèlerinage commun s’est esquissé sur le thème « Dieu de la vie, conduis-nous vers la justice et la paix ».
2. Dans la ville de Busan, nous avons marché ensemble sur un chemin de transformation – nous prions qu’en nous laissant nous-mêmes transformer, Dieu fasse de nous des instruments de sa paix. Beaucoup d’entre nous ont voyagé jusqu’à d’autres régions de la Corée où nous avons été témoins des blessures ouvertes d’une société déchirée par le conflit et la division. Nous avons perçu combien la justice est nécessaire à la paix ; combien la réconciliation est nécessaire à la guérison ; et combien la conversion du cœur est nécessaire pour que le monde trouve sa plénitude ! Nous avons été encouragés par les Eglises actives et engagées que nous avons rencontrées ; leur travail porte du fruit en abondance.
3. Nous partageons notre expérience de la recherche de l’unité en Corée comme un signe d’espoir dans le monde. Ce n’est pas le seul pays où le peuple vit divisé, entre pauvreté et richesse, bonheur et violence, bien-être et guerre. Nous n’avons pas le droit de fermer les yeux sur ces réalités cruelles et de nous reposer de notre œuvre de transformation. En tant que communauté, le Conseil Œcuménique des Eglises affirme sa solidarité avec le peuple et les Eglises de la péninsule coréenne, et avec toutes celles et tous ceux qui désirent et œuvrent à la justice et la paix.
4. Dieu, notre Créateur, est la source de toute vie. Dans l’amour de Jésus Christ et par la grâce de l’Esprit Saint, nous, en tant que communion des enfants de Dieu, avançons ensemble vers l’accomplissement du Royaume. Cherchant la grâce de Dieu, nous sommes appelés, dans notre diversité, à être de justes administrateurs de la création de Dieu. C’est la vision du Ciel nouveau et de la Terre nouvelle, où « Christ sera tout en tous » (Eph. 1,23).
5. Nous vivons dans un temps de crise mondiale. Nous sommes confrontés à des défis économiques, écologiques, socio-politiques et spirituels. Dans les ténèbres et l’ombre de la mort, dans la souffrance et la persécution, comme le don d’espérance offert par le Seigneur Ressuscité est précieux ! Par la flamme de l’Esprit qui brûle dans nos cœurs, nous prions le Christ d’illuminer le monde : que sa lumière fasse de nos êtres tout entiers des instruments de compassion pour toute la création, et qu’il nous donne le courage d’affirmer que chaque être humain a été créé à l’image de Dieu. Ecoutant des voix qui viennent bien souvent des marges de nos sociétés, partageons des leçons d’espoir et de persévérance. Engageons-nous à nouveau à travailler pour la libération et à agir en solidarité les uns avec les autres. Que la Parole de Dieu, qui nous illumine, nous guide sur notre chemin.
6. Nous voulons avancer ensemble. Remis en question par les expériences partagées à Busan, nous invitons toutes les personnes de bonne volonté à mettre les talents qu’ils et elles ont reçu de Dieu au service d’actions transformatrices. 
Cette Assemblée vous appelle à rejoindre notre pèlerinage.
Que nos Eglises deviennent des communautés de compassion et de guérison, et que nous semions la graine de l’Evangile afin que la justice croisse et que la profonde paix de Dieu repose sur le monde.
Heureux ceux qui observent le droit
et pratiquent la justice en tout temps !
(Ps 106,3)
Dieu de la vie, conduis-nous vers la justice et la paix !

(traduction non-officielle, 16.11.2013 / jp)

vendredi 8 novembre 2013

Busan, c'est fini...

Il est bientôt minuit ici en Corée, et la 10ème assemblée du COE s'est achevée dans l'après-midi, dans un état de grande fatigue pour la plupart des participants (journalistes suisses compris).


Que retenir de cette première expérience d'un grand rassemblement œcuménique ? Il me faudra sans doute du temps pour assimiler, digérer et faire mon miel de tout ce que j'ai reçu et vécu. Mais voici déjà quelques points qui me restent ce soir : 


La fraternité
Une assemblée du COE, c'est une extraordinaire expérience de fraternité - et, en tant que femme, je dirais volontiers aussi de sororité. Dans une atmosphère de grande bienveillance, chacun sourit, salue, a un petit mot aimable pour l'autre. La confiance s'installe très vite entre deux inconnus ; beaucoup n'hésitent pas à dévoiler leur vulnérabilité, à partager des histoires de vie parfois douloureuses, à demander conseil. J'ai été particulièrement frappée par la dimension concrète, tactile, de cette fraternité : ici on s'embrasse, on s'enlace, on se tient la main, on se regarde dans les yeux. Il n'y a pas de réserve ou de fausse pudeur, mais l'expression à la fois très simple et presque miraculeuse d'un amour qui nous unit tous, qui nous dépasse tous.


La Pentecôte
Je ne viens pas d'une tradition charismatique. L'expérience du parler en langues m'est étrangère (et j'avoue un petit pincement d'envie en entendant des frères et sœurs pentecôtistes raconter la survenue irrésistible de l'Esprit Saint). La prière commune durant ces 10 jours d'assemblée est probablement, pour moi, ce qui se rapproche le plus de cette expérience. Des centaines de langues sont représentées parmi les participants, et la récitation du Notre Père, chacun dans sa langue, fait vibrer la salle de prière dans une atmosphère de Pentecôte. Chaque jour, c'est peut-être à ce moment que la diversité de l'Eglise universelle s'est manifestée pour moi le plus clairement.


La prière
Elle est omniprésente. Chaque jour, chaque séance de travail, chaque étude biblique commence et s'achève par une prière. Liturgies du matin et du soir, prières spontanées des modérateurs de séance ; mais aussi prières inattendues, moments de recueillement partagés autour d'un café ou au coin d'un stand, bénédictions données au détour de couloirs d'hôtel. Autant d'instants précieux, parfois étranges ou déroutants, mais jamais intrusifs ou malvenus.


La remise en question
Elle est parfois violente, surtout pour les délégués venus de pays privilégiés d'Occident. Il est dur d'entendre une pasteure sud-africaine atteinte du sida prendre la parole en plénière pour dire : "Vous les délégués de pays riches, je veux que vous sachiez que c'est à cause de gens comme vous que les gens comme moi meurent." Il est dur d'entendre le démontage en règle des lois économiques injustes imposées par les pays développés pour favoriser leurs propres marchés au détriment des plus pauvres. Il est dur d'entendre une collègue journaliste d'un pays du Sud raconter avec le sourire, presqu'en s'excusant, la censure, le pillage des locaux de la radio où elle travaille, les conditions invraisemblables dans lesquelles elle doit faire parvenir ses chroniques quotidiennes, et conclure : "Que voulez-vous, la mentalité coloniale et les passe-droits des Blancs posent encore tellement de problèmes…" Il est dur d'entendre tant de témoignages d'indifférence (au mieux), d'abandon ou même de cruauté (au pire) et de soutenir le regard de celui qui vous demande en face : "Et vous, qu'avez-vous fait pour moi ?" 


Le col clergy(wo)man
Il n'y a finalement qu'en Europe qu'on en voit rarement ! Il est omniprésent à l'assemblée, chez les ecclésiastiques de tout genre et de toute confession, et certaines dames le portent avec beaucoup de classe.



jeudi 7 novembre 2013

Quelques échos de la 10e assemblée du COE (mise à jour : 12 novembre)

La 10e assemblée du Conseil œcuménique des Eglises, tenue en Corée du Sud depuis le 30 octobre, se dirige vers la fin prévue pour demain, le 8 novembre, et il faudra attendre a priori sept ans pour le 11e rassemblement. Voici quelques échos d'un des moineaux de la 10e Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises (cliquez sur le titre de l'article).
Le troisième article se termine en disant : "Reste à savoir si le Conseil saura se donner les moyens de mettre en œuvre ces propositions et de tirer parti de la créativité de ses délégués". En ce qui nous concerne, il restera à prier et à agir en communion avec la justice et la paix esquissées durant cette assemblée.

mercredi 6 novembre 2013

Arrivée en terre des missionnaires

(Les gens du Vallon découvriront bientôt le texte ci-dessous. Je le mets ici comme une avant-première. A propos du changement de paradigme pour la mission, que je ne fais qu'évoquer dans ce petit billet, je recommande vivement le spectacle "Sur le balcon du baobab" que la compagnie La Marelle propose cette année dans le cadre du 50e anniversaire de DM-Echange et mission, le service des Eglises protestantes romandes pour des projets de mission. Ne ratez pas ce spectacle ; on y rit, on y pleure et le cœur y danse. Cliquez ICI, et vous saurez quand la compagnie passe près de chez vous.)
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« Je viens vivre avec vous. » Les missionnaires du 19e siècle partaient aux quatre coins du monde avec cette parole en tête. Ils voulaient dire par là qu’ils ne venaient pas comme leurs ancêtres des siècles précédents qui arrivaient pour emporter quelque chose, pour emmener quelqu’un. Ils partaient pour vivre avec les gens de là-bas. Apprenant une langue dont ils ne connaissaient même pas l’existence, s’informant sur des us et coutumes inconnus, ils disaient adieu à ceux qu’ils aimaient et qu’ils ne reverraient peut-être plus jamais. Il est vrai que, rétrospectivement, on peut faire des observations critiques sur la manière dont ils allaient en mission. Mais ils partaient avec cette parole ancrée au plus profond d’eux-mêmes : « Je viens vivre avec vous ».

Le paradigme de la mission a beaucoup changé depuis. On n’envoie plus de missionnaires pour implanter une vision du monde ou de l’Église, mais on se rencontre et construit ensemble autour d’un projet qui reflète la vie telle qu’elle s’épanouit. Dans la mission aussi, Dieu nous devance, et en répondant à son appel, on continue l’œuvre qu’il a déjà commencé.

Mon nom le fait deviner, mon visage le confirme, mon accent me trahit. Je viens d’ailleurs, d’un pays lointain, d’une autre culture. Mais je ne suis pas missionnaire ; aucun organisme m’envoie à ce titre (quoique l’EREN m’a « envoyé » dans la paroisse du Val-de-Travers), je n’ai pas de prétention personnelle. Cela dit, la phrase qui accompagnait les missionnaires du 19e siècle me touche. Je viens vivre avec vous cette année en tant que pasteur stagiaire, et j’ai tant de choses à apprendre auprès de vous. J’aime me rappeler cette compréhension de l’Église : « rassemblement extraordinaire des gens extraordinairement ordinaires » (S. Hauerwas). Vous êtes les missionnaires que Dieu m’envoie pour me montrer cela.