dimanche 12 février 2012

Je crois en Dieu, le Père tout-puissant...

Que fait-on quand on confesse sa foi ?
Peut-être, avant d’aller plus loin, serait-il utile de rappeler qu’on peut entendre deux choses par « confession de foi ». Il y a d’abord la confession de foi qu’on pourrait dire « théologique » ; c’est celle par laquelle un individu, ou un groupe d’individus, ou une institution, pose un certain nombre d’affirmations théologiques qui définissent le contenu concret de la foi et auxquelles on suppose l’adhésion des membres du groupe. Par exemple, l’Eglise réformée de France a un texte (la Déclaration de foi, voir la partie "texte de 1936) qui joue ce rôle et dont voici un extrait :

Dans la communion de l’Église universelle, elle [l’ERF] affirme la perpétuité de la foi chrétienne, à travers ses expressions successives, dans le Symbole des Apôtres, les Symboles œcuméniques et les Confessions de foi de la Réforme, notamment la Confession de La Rochelle ; elle en trouve la source dans la révélation centrale de l’Évangile : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.
Avec ses Pères et ses Martyrs, avec toutes les Églises issues de la Réforme, elle affirme l’autorité souveraine des Saintes Écritures telles que la fonde le témoignage intérieur du Saint-Esprit, et reconnaît en elles la règle de la foi et de la vie ; Elle proclame devant la déchéance de l’homme, le salut par grâce, par le moyen de la foi en Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, qui a été livré pour nos offenses et qui est ressuscité pour notre justification ; ...

En ce qui concerne la confession de foi qui est dite au cours du culte, elle a une dimension supplémentaire. Elle ne se contente pas seulement d’énumérer des points qui définissent le contenu de la foi. Pourtant, on en a souvent l’impression. Lisons par exemple l’une des confessions de foi les plus anciennes et les plus souvent utilisées, le Symbole des Apôtres, dont l’origine remonte aux tous premiers siècles du christianisme et que vous connaissez sûrement :

Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ;
Je crois en Jésus-Christ, son fils unique, notre Seigneur,
Qui a été conçu du Saint-Esprit et qui est né de la vierge Marie ;
Il a souffert sous Ponce Pilate, il a été crucifié, il est mort, il a été enseveli, il est descendu aux enfers ;
Le troisième jour, il est ressuscité des morts, il est monté au ciel, il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, et il viendra de là pour juger les vivants et les morts ;
Je crois en l’Esprit Saint, je crois la sainte Eglise universelle, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle. Amen.

Est-ce que ce texte n’est pas lui aussi une liste de contenus essentiels de la foi, auxquels on nous demande notre adhésion ? Qu’est-ce qui fait la différence avec le premier texte que j’ai lu tout à l’heure ? J’entends régulièrement des gens dire qu’ils ont des difficultés, par exemple, avec telle ou telle confession de foi lue au culte, parce qu’ils ont personnellement du mal à croire à un des articles de foi - que ce soit la conception divine de Jésus, la virginité de Marie, on encore la résurrection. A mon avis, dire cela manque quelque chose de ce qu’est la foi confessée et proclamée lors du culte. Ce type de remarque serait plutôt pertinent pour la première catégorie de confession de foi que j’ai mentionnée et qui, elle, marque des frontières. On ne peut pas, par exemple, devenir pasteur de l’Eglise réformée de France si l’on croit que l’enseignement de Bouddha contient l’ultime vérité sur notre monde et nous-mêmes. Mais quand je confesse ma foi en Eglise, je ne passe pas en revue une sorte de « check-list » qui déterminerait mon degré d’orthodoxie ou d’hérésie. La confession de foi est alors à la fois une démarche de confiance et une démarche communautaire. Je vais rapidement développer ces deux points.

Quelqu’un m’a dit récemment : « Avec le temps qu’il fait en ce moment, la neige, la bise, les températures négatives, on a de la peine à croire que l’été existe ». Imaginez quelqu’un qui n’aurait jamais connu que l’hiver et qui n’aurait jamais quitté sa maison sans ses gants, son bonnet et son anorak, et à qui quelqu’un décrirait l’été : comment pourrait-il concevoir une saison où il fait toujours chaud, où on sort de chez soi en T-shirt, où on mange des glaces et où on va à la plage ? Il lui faudrait avoir une grande confiance dans son interlocuteur pour pouvoir lui répondre : « Oui, c’est vrai ». Cet exemple météorologique pourrait être une métaphore de la confession de foi en Eglise. Quand je confesse ma foi, je m’adresse à moi-même, et j’affirme, pour reprendre une expression de Nouveau Testament, que « Dieu est plus grand que mon cœur » (1 Jn 3,20) : même si j’ai de la peine à croire, même si j’ai connu tant de souffrances que la résurrection des morts me paraît impensable, même si mon esprit cartésien se rebelle contre la conception virginale de Jésus, Dieu ne dépend pas de moi. Mes propres sentiments ne peuvent pas définir Dieu. Dieu est au-delà de mes difficultés à croire ; il m’accueille tel que je suis, avec mes incertitudes et mes doutes, et je peux lui faire confiance. Confesser ma foi, c’est me redire à moi-même que Dieu est plus grand que mon cœur. C’est prendre le risque de dire : « Oui, c’est vrai », même si je n’ai jamais connu que l’hiver et que j’ai bien du mal à croire à l’été.

Quand je confesse ma foi, c’est aussi à mes frères et sœurs qui m’entourent que je m’adresse, et eux qui s’adressent à moi. La confession de foi manifeste l’appartenance à l’Eglise universelle. En la disant, je fais corps avec ceux qui la disent avec moi, mes voisins de banc, mais aussi les chrétiens rassemblés à travers le monde en même temps que moi et les générations de ceux qui ont confessé leur foi, avec les mêmes mots ou des mots proches, depuis les premiers jours de l’Eglise. Confesser ma foi, c’est faire l’expérience de cette immense communauté dont je fais partie et qui me porte, au-delà de mes incompréhensions. Dans son livre intitulé Le sens du culte, le pasteur Antoine Nouis rapporte une anecdote. Lors d’un enterrement douloureux auquel il s’était rendu, l’enterrement d’un enfant, les parents avaient demandé que l’on dise le Symbole des apôtres. Et, dit Antoine Nouis, « ce jour-là, lorsque l’assemblée a récité le Symbole des apôtres, j’ai éprouvé quelque chose qui ressemble à la communion des saints, j’ai confessé la foi de l’Eglise, j’ai entendu que l’espérance chrétienne était au-delà de ce qu’on pouvait ressentir à ce moment. Malgré le scandale de la mort d’un enfant, l’Eglise toute entière affirmait sa foi et son espérance : ce n’était pas l’assemblée qui disait le credo, c’était le credo qui portait l’assemblée. »

Confesser sa foi, c’est donc affirmer sa confiance en Dieu en communauté. On pourrait ajouter un point supplémentaire. Je viens de dire qu’en confessant ma foi, je m’adresse à moi-même et à mes frères et sœurs. Evidemment, ce n’est pas tout : je m’adresse aussi à Dieu. Dans l’évangile selon Marc, l’évangéliste rapporte l’histoire d’un père et de son fils possédé par un démon. Ce père se tourne vers Jésus pour tenter d’obtenir la guérison de son enfant : « “Si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par pitié pour nous. ” Jésus lui dit : “Si tu peux ! ... Tout est possible à celui qui croit.” Aussitôt le père de l'enfant s'écria : “Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi !” » (Mc 9, 22-24). Comme dans ce récit biblique, en confessant ma foi, je reconnais aussi les manques et les limites de ma foi personnelle et je demande à Dieu de m’aider à les surmonter. Et comme dans le récit biblique, c’est Dieu lui-même qui parcourt la plus grande partie du chemin pour venir à ma rencontre, à mon secours.

1 commentaire:

  1. dès que le cours sur Calvin est terminé, je vais revenir bavarder avec vous

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