mercredi 6 avril 2011

Du monastère

Les monastères, c'est chouette ! Vous l'aurez compris si vous avez lu mon précédent message : j'éprouve une attirance certaine pour la vie monastique et les monastères. Et pourtant, j'appartiens à une tradition protestante qui est loin d'avoir toujours eu cette même attirance. Au moment de la Réforme, on a vu se vider les couvents. Luther, après tout, était un moine défroqué marié avec une ex-religieuse ! La tradition réformée a fait preuve de tant de méfiance envers le célibat consacré qu'il a fallu attendre le 19ème siècle, en France, pour voir apparaître le premier ordre religieux protestant féminin, celui des diaconesses (il n'existe toujours pas d'ordre masculin). Alors, je me pose à moi-même la question : quel sens peut bien avoir l'attirance d'une réformée pour les monastères ?

Essayons de remettre un peu les choses dans leur contexte. Dans une certaine vision catholique de l'existence (qui existe encore, je l'ai moi-même entendue dans la bouche de certains amis), il y a une "hiérarchisation" de la "valeur" (je mets des guillemets mais il faudrait en rajouter encore une bonne quantité, tant "valeur" est loin d'être le terme qui conviendrait le mieux) des différents choix de vie. Dans cette "hiérarchie", le haut de l'échelle est occupée par les modes de vie religieux, le bas de l'échelle par les vies de "simples laïcs". Bien évidemment, cette présentation est très caricaturale, mais j'espère que les éventuels lecteurs catholiques me pardonneront mon péché de simplification.

La Réforme protestante s'est élevée d'une manière vive contre cette hiérarchisation. L'argument théologique derrière cette protestation était le suivant : aux yeux de Dieu, il n'y a pas de vie humaine qui ait moins de "valeur" qu'une autre. La vie d'un cantonnier (qu'il soit bien entendu que je n'ai rien contre les cantonniers) est aussi pleine de sens que la vie d'un ermite. Et ceci pour une raison simple : chaque chemin de vie, qu'il soit laïc ou religieux, répond à un appel de Dieu. On peut avoir, au sens le plus plein du terme, une vocation à être professeur, pâtissier ou chauffeur routier aussi bien qu'à devenir prêtre ou moniale, et chaque mode de vie peut être un authentique chemin à la suite du Christ.

Alors, pourquoi le monastère ? Pour ce qui me concerne, je répondrais que la vie monastique (une vie de célibat, en communauté, rythmée par la prière) est peut-être la manière la plus visible d'incarner toute la radicalité de l'Évangile. Un séjour au monastère me rappelle, sans échappatoire possible, quelle est la finalité de mon existence : c'est, comme le disait Calvin, de connaître Dieu. Il n'y a rien de plus important.

En même temps, le monastère me rappelle qu'une telle recherche, une existence ainsi orientée, ne sont pas uniquement possibles en son sein. Une sœur de Bose me le disait l'an dernier : les moines et moniales de la communauté, au moment de leur profession, ne prennent pas les vœux "classiques" de chasteté, pauvreté et obéissance. À Bose, les vœux pris sont ceux de vie de célibat en communauté, ce qui est la caractéristique marquante de la vie monastique. Pourquoi ? Parce que chasteté, pauvreté et obéissance devraient déterminer la vie de tout chrétien, pas seulement des moines (juste au cas où et pour éviter tout malentendu, je rappelle que chasteté n'est pas forcément synonyme d'abstinence sexuelle, et qu'il s'agit d'obéir à l'Évangile, non à une quelconque autorité religieuse).

Ainsi, paradoxalement, le monastère me redit qu'une vie totalement engagée au service de l'Évangile, dans la suite du Christ, est possible aussi dans mon existence quotidienne ; le temps que j'y passe ne fait que mieux me renvoyer vers l'extérieur, vers ma propre vocation. Et finalement, si la Réforme a ouvert tout grand les portes du monastère, c'est sans doute pour mieux permettre à chacun de vivre dans son "monastère intérieur".

(Et dois-je rappeler que le "moineau", mascotte de ce blog, signifie "petit moine", en référence à son plumage de la même couleur que la robe de bure ?)

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